La championne de 2019, Tigist Girma, essayera de battre le record de parcours au Marathon international d’Ottawa Tartan de 2022

Par Paul Gains

Avant la pandémie (et l’annulation des deux dernières éditions), les Éthiopiennes étaient sur une lancée de dix victoires consécutives au Marathon d’Ottawa

Maintenant que Tigist Girma, la dernière championne, a annoncé son retour pour défendre son titre de 2019, les chances que la lancée se poursuive ont considérablement augmenté.

Le 29 mai prochain, l’athlète de 28 ans de Shashemene, dans le centre-sud de l’Éthiopie, se tiendra aux côtés de la championne de 2018 et de la détentrice du record de parcours (2:22:17), Gelete Burka, à la ligne de départ de l’épreuve Label d’or de World Athletics. 

Cet affrontement rend les organisateurs fébriles puisque la lutte que les femmes se livreront pourrait mener à un nouveau record. Deux athlètes éthiopiennes de renommée mondiale, nées à moins de 30 kilomètres l’une de l’autre, qui rivalisent pour le prix en argent et les bonus de course? C’est une histoire digne d’un Oscar.

Tigist avait un curriculum vitae assez modeste lorsqu’elle s’est présentée la première fois à Ottawa en 2019. Elle avait remporté le Marathon de Beyrouth en 2016 et celui de Guangshou en 2018, mais elle a pris les devants contre des coureurs de renommée mondiale dans la capitale nationale canadienne pour enregistrer un nouveau record personnel à 2:26:44.  

Bien que ce chrono ne soit pas exceptionnel par rapport aux normes d’aujourd’hui, Tigist a épaté les adeptes de marathon en battant des coureurs de renommée mondiale avec une magnifique démonstration de persévérance et de force.

« Beaucoup de choses ont changé depuis », explique-t-elle, depuis le bureau de son agent, à Addis. « J’ai fait des temps rapides et j’ai passé des épreuves Label d’or à des épreuves majeures. »

« Les épreuves auxquelles j’ai participé après Ottawa se sont bien déroulées. Par exemple, comme j’ai couru à Ottawa puis à Amsterdam, j’ai été choisie pour les Jeux olympiques. »

Il y a trois ans, à Amsterdam, Tigist est entrée dans le groupe des coureurs terminant un marathon en moins de 2 heures 20 minutes. Elle y a enregistré un temps de 2:19:52, qui lui a valu la deuxième place. Après une cinquième place à Tokyo en 2020 (2:21:56), un marathon des World Major et une sixième place à Valence (2:19:56), elle s’est forgé une belle envergure en tant qu’athlète de renommée mondiale qui pouvait représenter son pays. 

Comme les Jeux olympiques ont été reportés en raison de la pandémie, l’Ethiopian Athletics Federation a organisé des « essais pour le marathon » à Sebeta, sur une distance de 35 km. C’était en mai 2021. Tigist a gagné l’épreuve, 22 secondes devant Birhane Dibaba (avec un record personnel de 2:18:35) et presque une minute devant sa partenaire d’entraînement, Roza Dereje. Le record personnel de cette dernière au marathon est de 2:18:30 et elle a éventuellement terminé au quatrième rang aux Jeux olympiques de Sapporo, au Japon.  

Manifestement, Tigist était en très bonne forme et prête pour ses débuts olympiques. Malheureusement, elle ne s’est jamais rendue au Japon.

« En raison de la pandémie, j’ai dû faire un test PCR juste avant mon départ, et le résultat était positif », explique-t-elle.

« J’étais tellement déçue et triste. Je me suis entraînée, je me suis démenée pendant plus d’un an pour accéder aux Jeux olympiques et j’ai finalement eu la chance que j’attendais, mais la vie a décidé à la dernière minute que tout cela allait changer. Le coup a été dur à encaisser. J’avais le cœur brisé. »

Elle reconnaît tout de même l’importance de sa victoire à Ottawa et de son incidence sur sa carrière professionnelle.

« Parmi tous les beaux souvenirs que j’ai à Ottawa, ce dont je me souviens le plus est le soutien et les encouragements que les gens d’Ottawa m’ont donnés », se rappelle-t-elle affectueusement. « C’était tellement bon pour mon moral et un gros facteur de ma victoire. De plus, Ottawa est une magnifique ville. Mon cœur a été conquis. »

« C’était une course difficile. J’ai fait l’épreuve pratiquement toute seule et cela a eu une grande incidence sur moi puisque je n’ai pas fait un aussi bon temps que je l’aurais pensé. Même si je suis satisfaite d’avoir remporté l’épreuve, si j’avais eu un concurrent à côté de moi, je me serais poussée un peu plus. »

« Pour moi, c’était vraiment un bel accomplissement et j’étais vraiment heureuse de gagner. J’étais blessée et je ressentais de la douleur dans ma jambe bien avant la course. Ma victoire était donc encore plus satisfaisante. »

Après cette victoire à Ottawa et avoir empoché 30 000 $ pour ses efforts, Tigist a été en mesure de s’acheter une maison à Addis. Et sa sœur a aussi déménagé à Addis, mais elles ne vivent pas ensemble. Elles font le trajet de cinq heures pour aller voir leurs parents à Sheshemane dès qu’elles en ont l’occasion.

Tigist s’entraîne encore avec un groupe encadré par Haji Adilo, l’entraîneur de l’équipe olympique éthiopienne de marathoniens. Parmi ses partenaires d’entraînement, on compte Roza Dereje, Ruti Aga (gagnante du Marathon de Tokyo en 2019) et Mare Dibaba, qui était la championne du monde au marathon en 2015 et la médaillée de bronze aux Jeux olympiques de 2016. 

« Je me suis blessée à quelques reprises. Après les Olympiques, mes performances à l’entraînement n’étaient pas très bonnes, mais maintenant, je suis en très bonne forme et je veux faire mieux (à Ottawa) », révèle-t-elle. « Je m’entraîne encore avec Haji. Il me fournit tout le soutien dont j’ai besoin. »

« Avec l’aide de Dieu, je veux gagner et même battre le record de parcours. Je veux apposer ma signature à Ottawa pour une deuxième fois. »