Gelete Burka annonce son retour au Marathon d’Ottawa
En mai prochain, celle qui a battu le record en sol canadien en 2018 espère terminer l’épreuve en moins de 2 h 20
Par Paul Gains
Gelete Burka sourit chaleureusement alors qu’elle se déplace dans sa maison à Addis-Ababa, la capitale éthiopienne. Elle regarde son téléphone cellulaire pendant une vidéo WhatsApp, au cours de laquelle elle a confirmé son retour au Marathon international d’Ottawa Tartan, le dimanche 29 mai prochain.
L’épreuve Label d’or de World Athletic pour les athlètes professionnels aura de nouveau lieu en personne, après deux ans de pause en raison de la pandémie.
Lors de sa dernière visite, en 2018, Gelete (les Éthiopiens préfèrent qu’on utilise leur prénom) a battu le record en sol canadien, avec 2 h 22 min 17 s, malgré des conditions peu favorables.
« Évidemment, tout était difficile », se souvient-elle en souriant. « La météo! Je suis habitée de m’entraîner en Éthiopie, où la chaleur est accablante. Alors la température fraîche et les forts vents m’ont déstabilisée. J’ai aussi eu de terribles crampes à l’estomac. Peu importe, j’avais la Providence de mon côté cette journée-là, ce qui m’a aidée à remporter la victoire. J’étais tellement heureuse! »
La marge de victoire, malgré les crampes, les vents et le froid (il faisait à peine 13 degrés Celsius à 7 h), était d’environ 4 minutes, ce qui témoigne de tous les efforts que Gelete a déployés.
« Ottawa est un très beau souvenir pour moi », continue-t-elle. « Lorsque je m’entraînais, j’ai subi une blessure au mollet, qui n’était toujours pas guérie à mon arrivée à Ottawa. Et j’ai eu ces terribles crampes. Ce n’était pas facile. C’est pourquoi je souriais autant lorsque j’ai franchi la ligne d’arrivée. »
Bien qu’elle quitte rarement sa chambre d’hôtel avant de participer à un marathon (elle préfère se concentrer sur l’épreuve), elle s’est rendue à l’église éthiopienne avec des amis d’Ottawa après sa victoire pour faire ses remerciements à Dieu.
À Addis, elle est placeuse et membre de la chorale de 40 personnes à l’église The Glorious Life Church. Avec deux messes le dimanche et une autre le mardi soir, son dévouement pour l’église est exemplaire. Pas étonnant qu’elle ait si peu de temps pour elle, avec l’église, l’entraînement et les déplacements. Lorsqu’elle a du temps libre, elle aime prendre un thé ou un café avec ses amis.
Alors qu’elle me parle, Gelete change de position pour améliorer l’éclairage et je peux voir le contenu de sa bibliothèque.
Il y a sa médaille d’or au 1 500 mètres au Championnat du monde sur piste intérieure de 2008, sa médaille d’or au Championnat du monde de course de fond de 2006 et sa médaille d’argent au 10 000 mètres du Championnat du monde de Pékin en 2015. Puis, sans hésiter, elle demande soudainement à deux enfants de venir la joindre. Il s’agit de sa nièce et de son neveu, Deborah et Muse. Elle leur demande de me dire bonjour.
La famille est très importante pour Gelete. Ce sont les enfants de sa plus jeune sœur. Les récompenses financières qu’elle a remportées en tant que coureuse de renommée mondiale (par exemple, 30 000 $ à Ottawa) au cours des 20 dernières années lui ont permis de prendre soin de sa famille immédiate, qui vit avec elle, et de contribuer au bien-être des enfants de son village natal, Kofele, dans le centre-sud de l’Éthiopie.
Gelete a représenté l’Éthiopie lors de six championnats du monde sur piste extérieure consécutifs et trois Jeux olympiques. Il y a six ans, à Rio, elle a terminé au cinquième rang au 10 000 mètres, avec un record personnel de 30:26,66. N’eût été la bévue commise par la fédération éthiopienne un an plus tard, Gelete ne se serait probablement jamais tournée vers le marathon.
« En 2017, j’étais à Hengelo (Pays-Bas) pour les essais éthiopiens en vue du Championnat du monde. J’ai gagné les essais à l’épreuve du 10 000 mètres (30:40,87), mais la fédération ne m’a jamais envoyée au Championnat du monde à Londres », explique-t-elle, le visage maintenant grave.
« Par la suite, j’ai arrêté de faire de l’athlétisme et je me suis tournée vers le marathon. Je me suis donc entraînée pour le Marathon de Dubaï, que j’ai terminé en 2 h 20 min 45 s. »
Un an plus tard, en 2019, j’ai remporté le Marathon de Paris, avec un temps de 2 h 22 min 47 s, et j’ai terminé au troisième rang à Chicago (un des marathons World Major), où j’ai arrêté le chrono à 2 h 20 min 55 s. Ce dernier résultat démontre l’importance des meneurs d’allure pour les marathoniens.
« À Paris, j’avais un excellent meneur. Et à Chicago, vous vous rappelez que le record du monde a été battu. » « Les meneurs d’allure se sont joints à la Kenyenne Brigid Kosgei, qui a établi un nouveau record du monde avec 2 h 14 min 4 s. Après 2 km, j’étais seule jusqu’à la fin de l’épreuve. Peut-être que si quelqu’un me pousse, je pourrai terminer un marathon en moins de 2 h 19. J’ai besoin d’un bon meneur d’allure. J’espère que ce sera le cas à Ottawa. Je veux faire la première moitié du marathon en moins de 1 h 10. »
Gelete est entraînée par Getamesay Molla et fait partie d’un groupe d’excellents coureurs éthiopiens qui s’entraînent ensemble sur les routes poussiéreuses de Sendafa, Sululta et Entoto, à l’extérieur d’Addis. La circulation dans la capitale rend les entraînements pratiquement impossibles. Sa préparation pour Ottawa va bon train.
« Mon entraînement est très agréable maintenant », affirme-t-elle. « Je suis satisfaite de mes résultats et j’ai encore deux mois pour me peaufiner. »
Le fait de pouvoir courir régulièrement, après la pandémie mondiale, est un soulagement pour Gelete. À 36 ans, un âge qui marquait habituellement les dernières années d’un athlète, elle ne sait pas encore pendant combien de temps elle pourra s’entraîner et courir aussi intensément. Les Jeux olympiques de Paris sont dans deux ans.
« Je ne sais pas si je vais y participer », avance-t-elle prudemment.
« Même si je fais un bon temps, ce n’est pas facile d’être sélectionnée par ma fédération. Vous avez vu le dernier chrono de Kenenisa Bekele (qui n’a pas été inclus dans l’équipe olympique éthiopienne, ce qui avait causé une grande controverse) à Tokyo. Je verrai quel temps sera sélectionné. Parfois, tu fais un excellent chrono, mais la fédération ne te choisit pas. Je ne comprends pas. »
Peu importe, nous savons que Gelete a des résultats phénoménaux, de renommée mondiale, dans les jambes. Réduire son temps sous la barre des 2 h 20 min demeure son objectif. Elle aimerait que ce soit dans les rues d’Ottawa.