Coureur du mois – Liz Laurin
Le 25 mai 2019, après environ 29 minutes, Liz Laurin a franchi la ligne d’arrivée du 2K d’Ottawa lors de la Fin de semaine des courses Tamarack d’Ottawa.
Jusqu’à ce moment, jusqu’au dernier mètre, elle incarnait la joie et la bonne humeur : cheveux arc-en-ciel, canne décorée de plumes de paon et d’autocollants réfléchissants multicolores. Elle saluait les spectateurs et riait; elle était tout simplement rayonnante en compagnie de ses amis. Mais les derniers pas? Liz était en larmes.
Après tout, à l’âge de 34 ans, il s’agissait de son moment de ligne d’arrivée. Sa première épreuve officielle sur route. Sa première médaille. À vie.
Vivre avec la douleur chronique
Si vous êtes en santé, vous tenez peut-être certaines choses pour acquises, notamment le niveau d’effort nécessaire pour marcher. Si vous souffrez de fibromyalgie, comme Liz, vous le savez.
Toute sa vie, Liz a souffert de maux de dos et de hanches non diagnostiqués. Après des années de douleur, elle a finalement appris qu’elle souffrait de polyarthrite rhumatoïde. Pour aggraver la situation, Liz n’a pas été en mesure d’obtenir les soins dont elle avait besoin pendant longtemps. Elle s’est sentie délaissée par les professionnels de la santé. Les patients chez qui on a diagnostiqué une maladie chronique affirment que l’un des aspects les plus difficiles liés au fait de vivre avec la douleur est le sentiment d’incapacité.
« La fibromyalgie est une maladie frustrante puisqu’elle est comme un fourre-tout de différentes expériences », explique Liz. « Il n’y a pas beaucoup d’options en matière de traitement, sauf s’assurer d’avoir un mode de vie aussi sain que possible. J’ai une équipe médicale FORMIDABLE au Primrose Family Medicine Centre/Bruyère, qui croit que la santé passe par toutes les sphères de notre vie. »
Pour Liz, cela signifie une combinaison de médicaments, d’alimentation saine, de bonnes habitudes de sommeil ainsi que de gestion du stress et de l’anxiété. « Je me sens vraiment bien dernièrement. J’utilise encore souvent une canne, mais ça fait partie des troubles de la douleur! »
La canne était une concession qu’elle n’a jamais voulu faire, principalement parce qu’elle ne voulait pas être traitée différemment en raison de son diagnostic. Liz a longtemps refusé d’utiliser sa canne joliment décorée, maintenant une véritable carte de visite, puisqu’elle la considérait comme une véritable honte.
« Je détestais marcher avec une canne en raison des regards qu’on me jetait, des commentaires qu’on me disait, mais ce qui me blessait encore plus, c’était que ça venait parfois de ma famille et mes amis », nous confie-t-elle. « Il m’a fallu du temps pour me résoudre à l’utiliser, pour admettre que j’en avais besoin… ». Elle s’arrête puis s’exclame : « Mais je dois avouer que ma réaction était ridicule! Qui ferait des commentaires à une personne qui a besoin d’injections d’insuline? Ou à un amputé qui a besoin d’un fauteuil roulant? »
Son moment de révélation est survenu lorsqu’elle s’est rendu compte que sa maladie n’était pas une punition. « Vous n’êtes pas malade parce que vous avez fait quelque chose de mal », précise Liz. « La maladie n’en a rien à faire… Il faut donc tout faire pour améliorer notre qualité de vie. Le fait d’avoir une aide à la mobilité ne signifie pas qu’il faut l’utiliser pour toujours… Et même si c’est le cas, assumez fièrement cette canne, ce fauteuil roulant, ces béquilles. »
Se rendre à la ligne de départ
Si vous aviez demandé à Liz en 2018 (lorsqu’elle a commencé à marcher avec une canne) si elle aimerait participer à une course sur route, elle vous aurait probablement regardé comme si vous aviez un singe sur la tête.
« Tout ce qu’on voit dans les médias à propos des marathons et des courses, se sont des gens en santé, minces et valides », explique Liz, qui hésitait à participer. « Ce n’était définitivement pas le type d’événement où je pensais être acceptée ou bienvenue. Je jugeais injustement la communauté des coureurs de la même façon que je pensais que les gens me jugeaient. »
Liz a commencé à envisager de participer au 2K d’Ottawa après que deux de ses amis aient décidé de faire l’épreuve en marchant. C’est l’année où sa maladie a frappé le plus fort. Liz souffrait atrocement. Elle avait perdu beaucoup de contrôle sur son corps et bien que son emploi exigeait qu’elle marche et se tienne debout pendant de longues périodes, elle a été forcée de passer du temps assise, incapable de tenir un livre ou d’utiliser un téléphone ou un ordinateur pendant des jours.
« Je me disais que si je pouvais au moins accomplir une chose, si je pouvais me prouver que je pouvais le faire, peut-être que ça fonctionnerait? Je savais que je ne voulais pas laisser ma limitation me définir », affirme-t-elle.
L’expérience de la ligne d’arrivée
Lorsqu’elle a finalement franchi la ligne d’arrivée, après avoir marché d’un bon pas le 2K, Liz était en larmes. Mais ce n’était pas seulement pour son accomplissement : elle devait composer avec d’autres sentiments également.
« Lorsque j’ai fini l’épreuve, mes amis m’applaudissaient et criaient, et j’étais embarrassée. Et gênée… Et anxieuse… », soupire-t-elle. « Je me sentais encore comme s’il n’y avait rien à être fière, que c’était une course “facile”, que ce 2K n’était pas pour quelqu’un comme moi. »
Plus tard cette journée-là, Liz est rentrée chez elle avec encore un sentiment de honte à l’esprit, ce qui l’a empêchée d’être fière de sa journée. C’est alors qu’elle a décidé de regarder quelques publications sur Instagram, où les gens identifiaient @OttawaMarathon ou #courezottawa2019. Ce qu’elle a vu l’a renversée.
Une coureuse sur Instagram, @jillamama, avait fait une publication sur son temps au 2K d’Ottawa. Et étonnamment, elle avait remarqué l’arrivée de Liz également.
« Aujourd’hui, nous avons participé au 2K lors de la Fin de semaine des courses d’Ottawa et comme d’habitude, je me suis demandé ce que je &$%# là. Ou plutôt, pourquoi j’avais convaincu ma famille d’y participer. Je me suis dit à quelques reprises “Plus jamais« .
Lorsque nous avons franchi la ligne d’arrivée, j’ai regardé derrière moi et j’ai vu une femme qui avait des larmes qui coulaient sur ses joues. Son amie qui marchait avec elle s’est exclamée “Tu as réussi! » “Tu l’as fait!“ Évidemment, je me suis mise à pleurer aussi.
Tout ce à quoi je pensais c’était « Tu oublies. Tu oublies réellement où tu en étais et où beaucoup de gens sont encore. Ce que tu fais n’a pas d’importance, pourvu que tu le fasses. »
Merci, chère dame du 2K. J’aurais dû te serrer dans mes bras, mais j’ai dû courir après mon fils qui prenait une douche de produits Nuun à l’un des postes d’eau. Je me sens merveilleusement bien, je suis heureuse, je suis chanceuse. »
Liz était sous le choc!
« C’était une coureuse “parfaite“. Elle était athlétique, elle avait l’équipement d’une vraie coureuse, elle avait une poussette de jogging, elle était PRÉPARÉE. Et je l’avais tout de même INSPIRÉE! Honnêtement, je n’arrivais pas à y croire », précise Liz en riant. Les deux femmes ont échangé quelques messages en ligne, et enfin, tous les sentiments positifs que Liz réprimait l’ont inondée.
« J’ai appris qu’elle était épuisée. Ses enfants étaient de mauvaise humeur, elle était enceinte et elle était frustrée de façon générale », se souvient Liz. « Elle se sentait aussi nerveuse et anxieuse que moi. Et je me suis sentie si… exposée. »
Objectifs pour 2020
Vous pouvez vous attendre à voir Liz dans le corral de départ du 2K d’Ottawa à la Fin de semaine des courses Tamarack d’Ottawa de 2020, mais cette fois ce sera un peu différent.
« L’année dernière, c’était la première fois où je savais que ma vie n’était pas finie, que je pouvais encore accomplir des choses, être une personne, avoir des loisirs et ne pas me définir par ma maladie », avoue-t-elle. Maintenant, elle se sent plus confiante et elle parle plus ouvertement de ses difficultés… tout en ne les prenant pas négativement comme avant.
« Je ne veux pas que les gens fassent comme si ma limitation n’existe pas. Elle est importante, elle fait partie de moi », explique Liz. « Je veux que les gens se rendent compte que je suis PLUS que ma limitation. Je veux voir d’autres personnes avec des aides à la mobilité lors de marathons, à des spectacles, dans des bars. Les personnes handicapées ne sont pas un monolithe, nous ne sommes pas seulement notre limitation.
Liz croit que la plus grande leçon qu’elle retient de sa première course est de s’être rendu compte que tous les participants sont là pour différentes raisons et que chacune d’elles est valable.
« Vous êtes chaleureusement accueilli, on prend soin de vous et vous vous sentez apprécié. Et vous êtes fier de vous. » Elle fait une pause avant d’ajouter : « Si j’ai une mauvaise journée, lorsque j’ai de la difficulté à sortir du lit, lorsque je me sens submergée… Je mets ma médaille. Elle me rappelle ce que j’ai accompli, que je peux encore faire des choses. Ce ne sera peut-être pas aujourd’hui, peut-être pas non plus la semaine prochaine, mais je peux y arriver et je le ferai encore. »
C’est le genre de sentiment que les participants méritent de ressentir en franchissant la ligne d’arrivée.
Suivez Liz sur Instagram (@lizlaurin), où elle fait des publications sur les livres, sa maladie chronique et sa nouvelle vie.