Entrevue avec Eleanor Thomas
En 1975, Eleanor Thomas remportait la victoire, chez les femmes, lors du premier Marathon d’Ottawa. 40 ans plus tard, nous lui avons demandé comment elle en était venue à courir le premier Marathon d’Ottawa, quelle sorte d’équipement elle avait pour courir à cette époque-là et pourquoi elle continue à lacer ses chaussures de course. Merci, Eleanor, d’avoir pris le temps de converser avec nous et d’être une si grande ambassadrice de la course à Ottawa !
Commençons par le commencement. Comment en êtes-vous venue à vous inscrire et à courir le premier Marathon d’Ottawa ? Aviez-vous toujours fait de la course ?
Eleanor Thomas: Jusqu’à l’âge de 26 ans, je n’avais jamais pensé courir. J’essayais de trouver une façon de cesser de fumer. J’ai réalisé un beau jour qu’il était difficile de cesser quelque chose, mais facile d’en commencer de nouvelles. J’ai décidé de commencer à me mettre en forme et en santé. C’est alors que j’ai commencé à courir, en suivant le système de points donné dans le livre Aerobics, de Ken Cooper. Quand vous sentez que vos poumons et tout votre corps devient de plus en plus sain chaque jour, bon, la perte du tabac devient plus facile à prendre.
Ça faisait quatre ans ou à peu près que je courais quand j’ai entendu des rumeurs à l’effet qu’on préparait un marathon pour 1975 à Ottawa. Mon mari et quelques-unes des personnes avec qui je faisais de la course le dimanche songeaient à s’y essayer. J’ai pensé, ben pourquoi pas ? Nous avons tous commencé à nous entraîner et, dès que la course fut annoncée, je me suis inscrite.
2. Pouvez-vous nous ramener à l’expérience de courir (et gagner) le premier Marathon d’Ottawa ? À quoi ressemblait cette journée-là ?
Eleanor: À comparer à aujourd’hui, la course avait un très bas profil. Je suis partie sur le campus de Carleton, descendue le long de la promenade Colonel By, puis sur la promenade de l’Ouest jusqu’à l’avenue Woodroffe, et retour. C’était une journée chaude, mais très sèche. Il y avait des postes d’eau ici et là, mais pas autant que dans un marathon moderne. À un ou deux endroits il y avait des tranches d’oranges. Les gels étaient choses inconnues. Je n’ai pas bu une goutte d’eau pendant tout le parcours et ne n’aurais jamais pensé manger quoi que ce soit pendant que je courais par crainte d’avoir une crampe. Aujourd’hui, comme tous les coureurs, je prends de l’eau toutes les fois que j’ai la chance quand il fait chaud.
Vraiment, l’idée de gagner ne m’est jamais venue à l’esprit. L’idée était de parvenir au fil d’arrivée dans un temps raisonnable. Dans les années qui ont suivi, les coureuses sont devenues beaucoup plus compétitives et se sont mises à penser en termes d’arriver premières ou avant quelqu’une d’autre, mais pas en 1975.
3. Boston n’a commencé officiellement à admettre l’inscription des femmes qu’en 1972. Et, à Ottawa, en 1975, vous étiez l’une des 3 femmes sur 146 inscriptions. À ce qu’il semble, les courses de marathon étaient encore un territoire plutôt nouveau pour les femmes à cette époque. Les gens étaient-ils surpris de vous voir vouloir courir un marathon ?
Eleanor: Les courses de marathon étaient nouvelles pour tout le monde, hommes et femmes. La plupart des gens n’avait aucune idée de ce qu’était un marathon et, quand ils ont su ce que c’était, ils étaient souvent incrédules. Ils étaient surpris que quelqu’un puisse ou veuille courir 26 milles (41,8 kilomètres). Mais il est aussi vrai que certains s’étonnaient que des femmes puissent le faire. Je me rappelle avoir entendu quelqu’un dire, quand je suis passée devant « Oh, mon Dieu, regarde ? C’est une femme ! » Au début, certains organisateurs de courses étaient sceptiques. Une année, les organisateurs de Round the Bay Race, de Hamilton, m’ont dit que les femmes n’étaient pas les bienvenues. Dès l’année suivante, les choses avaient changé, et les courses se sont non seulement ouvertes aux femmes, mais on les encourageait à s’y inscrire.
4. Aujourd’hui des milliers de coureurs, en nombre pratiquement égal chez les hommes et les femmes, s’inscrivent pour le marathon et le demi-marathon. Pourquoi pensez-vous ces courses de longue distance sont-elles devenues si populaires ?
Eleanor: Soyons francs, la course est une activité fantastique, et les grandes courses dégagent toute une atmosphère. Les hommes et les femmes adorent les vibrations dans une grosse course et une course difficile et longue comme le marathon et le demi-marathon donnent la dimension supplémentaire d’un défi partagé. À Ottawa, le soutien de la communauté a dépassé tout ce qu’on aurait cru et cet appui ajoute à l’attrait. Je pense que tout le monde en ville a un parent, un ami ou un voisin qui court, ce qui crée un surcroît d’intérêt. Et, dans la course d’Ottawa, tout concerne les coureurs. Le soutien accordé à toute et chacune des personnes qui courent ne pourrait être meilleur. Qu’y a-t-il à redire ?
5. Vous avez continué à courir sérieusement : le Marathon d’Ottawa en 2010 et 2009. J’imagine que l’équipement et l’organisation des courses sont très différents. Pouvez-vous nous parler des différences entre la course et l’entraînement d’aujourd’hui et ceux d’il y a 40 ans ?
Eleanor: En réalité, j’ai couru mon dernier marathon en 1983, avant de devenir trop occupée avec ma famille et ma carrière pour m’entraîner pour des marathons. Mais j’ai continué à courir régulièrement de façon modérée. Vingt-six ans plus tard, le marathon de 2009 était prévu pour le 24 mai, qui tombait le jour de mon 65ème anniversaire. J’ai décidé de m’entraîner pour un marathon de plus pour célébrer cet événement. J’ai été déçue de mon chrono, qui a marqué plus de 5 heures. J’ai dû courir avec un plâtre au bras, à cause d’un malheureux accident le mois précédent, ce qui m’a ralentie. Je me suis inscrite à nouveau à la course en 2010 pour briser cette marque de 5 heures et je l’ai fait, et j’ai accroché mes chaussures de course.
Une des plus grandes différences entre 1975 et maintenant, c’est l’équipement que nous portions pour nous entraîner et courir. Mes premières chaussures de course étaient en cuir. Je frémis à la pensée de ce qu’elles devaient peser. Nous portions de vieux shorts et des T-shirts de coton, parfois avec les manches arrachées. À mesure que le temps refroidissait, nous ajoutions des couches de coton. En hiver nous sortions les pantalons et maillots de survêtement en duvet gris de coton et polyester, avec des vestes et des surpantalons en nylon. Perméables à l’air ? Pas du tout. Tissus mèches ? Allez voir. Cela a rapidement changé que les marchands ont réalisé qu’il y avait un marché croissant pour les vêtements légers et confortables pour les activités physiques. Et, maintenant, ils ont même un beau look.
6. Pourquoi continuez-vous à courir ? Qu’est-ce que vous aimez là-dedans ? Et qu’est-ce que vous aimez de courir à Ottawa ?
Eleanor: La course me fait me sentir bien, me garde de forme et me nettoie l’esprit, et c’est pour ça que j’adore ça. Pour Ottawa, c’est merveilleux de courir ici, à cause de l’étendue des sentiers récréatifs qui entourent toute la ville. Ces jours-ci, je cours habituellement près du canal, jusqu’au Centre national des arts, ou en remontant vers Hogs Back, mais il y a des parcours merveilleux partout. Même en hiver, beaucoup de sentiers sont déblayés rapidement et les trottoirs et les rues sont habituellement passables. Si vous êtes pour courir, autant le faire à Ottawa.