Entrevue avec Manny Rodrigues – coordonnateur des athlètes d’élite
En 2001, Manny Rodrigues a mis sur pied le programme des athlètes d’élite au Marathon d’Ottawa. Au cours des treize dernières années, Manny a fait croître le programme, pas seulement en faisant augmenter les prix en argent, mais en établissant le soutien sur le parcours et hors parcours nécessaire à la meilleure performance des athlètes d’élite. Le dur travail a rapporté. L’an dernier, quatre hommes ont couru le 10K d’Ottawa en moins de 28 minutes, ce qui en a fait l’un des terrains les plus rapides au monde. Et, dans les marathons masculins et féminins, Tariku Jufar et Yeshi Esayias, tous les deux d’Éthiopie, ont établi des records de parcours respectifs de 2:08 et 2:25—des chronos rapides, très rapides.
Alors, quoi encore ? Nous avons retrouvé Manny à son heure de déjeuner, à son travail de jour comme ingénieur dans une firme locale de télécommunications pour parler un peu de ce qu’il faut pour amener à Ottawa les meilleurs au monde et de ses buts, comme coordonnateur des athlètes d’élite, pour les prochaines années.
Commençons par le commencement. Êtes-vous un coureur ?
Je suis un coureur. J’ai commencé il y a bien longtemps, à l’école secondaire. En 10e année, j’avais un prof qui voulait du monde pour l’équipe de cross country. Je travaillais à un restaurant qui se trouvait à 4 milles de la maison. Je me suis dit que, si je pouvais courir à maison après le travail, je pourrais faire partie de l’équipe de cross country. Et je l’ai fait. Ce qui fait que, à partir de la 10e année, je suis devenu coureur.
Et avez-vous continué à courir à l’université ?
Oui. J’ai couru pour l’U of A [l’Université de l’Alberta] dès ma première année là-bas. Mais j’étais numéro 8 sur l’équipe, ce qui fait que je devais aller aux petites rencontres, mais pas les grandes. Et l’année suivant, on a coupé le programme.
J’ai couru moins sérieusement pendant quelques années après l’université. Je courais un peu dans le cadre du club de course de Nortel, et puis, vers 1994, j’ai eu un entraîneur qui a changé ma façon de m’entraîner, de courir simplement des milles à courir pour le chrono et l’effort, et j’ai pu abaisser mon chrono de 10K de 34 à 32 [minutes]. Donc j’ai pu atteindre un nouveau niveau.
Il semble que c’était un club pas mal sérieux, chez Nortel.
Notre meilleur coureur était en fait John Halvorsen [l’actuel directeur des courses]. Nous avions cinq gars qui pouvaient tous courir sous 16:30 [pour le 5K]. Nous sommes allés au Chase Corporate Challenge, aux États-Unis, et nous avons gagné en plaçant tous nos cinq coureurs dans les 10 meilleurs. Puis ils ont changé les règles pour nous empêcher de compétitioner ensuite [rire].
Donc nous avions un club très actif. Et c’est à travers le club que j’ai rencontré Glendon Pye, qui était responsable de la ligne d’arrivée à la fin de semaine des courses. En 1999, Glendon voulait courir le marathon ; il avait besoin de quelqu’un pour coordonner la ligne d’arrivée et il m’a recruté. Et c’est comme ça je m’y suis mis.
Pourquoi avoir fait le saut, de la ligne d’arrivée à la mise sur pied du programme des athlètes d’élite ?
Nous avions des athlètes d’élite qui venaient aux courses, mais nous n’avions pas de programme. L’incident qui nous a fait comprendre ça, ce fut quand Bruce Deacon [gagnant du Marathon d’Ottawa en 2000] a voulu mettre des bouteilles d’eau spéciales sur le parcours. Nous avons dit, « Mets-les là derrière ce bureau et nous allons essayer de les mettre là-bas pour toi. » Et c’était tout le programme. Une autre années, Rachid Tbahi est venu et a dormi dans sa voiture, pour ensuite gagner le 10K le lendemain. C’était dans les années 90.
Donc, le programme a commencé par être un cas de savoir si nous pouvions disposer de quelques chambres d’hôtel. Puis, c’est devenu : « pouvons-nous faire un peu de voyages en plus des chambres d’hôtel ? » Aujourd’hui, nous avons un très bon programme, avec voyages, hébergement, cachets et boni temps.
L’an dernier, le détenteur du record du Marathon de Boston, Geoffrey Mutai, a couru le 10K. Comment faites-vous pour attirer ce genre de talent ?
Avec le marathon, nous sommes rendus à une étape, mais pas avec le 10K. Amener ici un des meilleurs athlètes pour le marathon nous coûte 10 fois le prix parce qu’ils peuvent faire des 10K plus souvent. Un Geoffrey Mutai peut courir le Marathon de Londres et, cinq semaines plus tard, venir courir le 10K à Ottawa. Notre détenteur du record du parcours, Deriba Merga, a gagné le Marathon de Boston, puis il est venu gagner notre 10K quelques semaines plus tard. Donc, ils peuvent avoir leur gros jour de paie au marathon et encore courir à Ottawa.
Aux termes de notre marathon, les athlètes aiment Ottawa parce que nous avons une réputation pour les chronos rapides. Comme cette année, avec notre 2:08. Si c’était un parcours difficile, vous ne pourriez pas faire ça. Donc, les athlètes vont venir à Ottawa à la recherche d’un temps rapide qui peut ensuite être une plateforme de lancement vers des courses plus grosses. Le 2:08 et le 2:25 que nous avons eus cette année vont nous aider dans l’avenir.
Et, en général, nous avons fait un très beau travail à mettre un bon produit sur le marché. Je demande souvent aux agents et aux athlètes quelle est leur opinion et ils disent souvent « Vous êtes aussi bons que n’importe lequel des autres ».
Quel est, d’après vous, l’apport de la compétition d’élite à la fin de semaine des courses ?
Hé bien, il se peut que ça soit un peu intangible. Mais une des retombées intéressantes que j’ai eue, c’est que des non coureurs sont venus à moi après la course, et ils ne reconnaissent pas nécessairement qui est Geoffrey Mutai, mais quand ces gars-là passent devant eux et qu’ils voient à quelle vitesse ils courent, ça leur laisse une impression. C’est quelque chose de spécial à voir.
Et qu’est-ce qui vous plait le plus concernant votre rôle ?
Il y a toute une excitation qui entoure la fin de semaine. Ça me plait vraiment parce que j’y suis complètement impliqué. Et même si c’est beaucoup de travail, c’est aussi très différent de ce que je fais comme travail de tous les jours. Certainement, un des avantages, c’est de pouvoir observer la course se dérouler à partir de la voiture pilote.
Avez-vous une course qui est la plus mémorable ?
Celle de 2004 pourrait être une de celles-là. Nous n’avions pas les temps les plus rapides ; je pense qu’elle a été gagnée en 2:11, mais ce fut une bataille à trois tout le long à partir du 30K. C’était un Algérien qui parlait français, un Guatémaltèque qui parlait espagnol et un Kényan qui parlait anglais et swahili. Donc ils ne pouvaient pas communiquer les uns avec les autres et ils se sont battus tout le long. Le gagnant, Elly Rono, s’est fait accrocher, il est tombé, s’est relevé et a rattrapé le groupe à nouveau. Ce fut une course sensationnelle. Beaucoup d’émotions. J’aimerais que nous puissions trouver des façons d’apporter cette intensité dramatique au spectateur.
À propos, quels seraient quelques-uns des objectifs futurs du programme des athlètes d’élite ?
Chaque année nous cherchons ce que nous pourrions améliorer. Comment pouvons-nous dépenser l’argent plus intelligemment. Ce qui va continuer. L’an prochain, je veux faire en sorte que la ligne d’arrivée soit mieux alignée pour les élites, pour qu’ils puissent faire leurs entrevues, et nous assurer d’avoir les interprètes au bon endroit et au moment voulu. Je veux aussi utiliser nos conférences de presse pour maximiser la visibilité des athlètes.
À long terme ? J’adorerais nous voir viser des records mondiaux.
Merci beaucoup à Manny d’avoir pris le temps de bavarder. Nous sommes impatients de voir quels athlètes il va amener à la Fin de semaine des courses Tamarack en 2014 !