Journée internationale de la femme 2018 : la photo qui changera tout
Par Mark Sutcliffe
En mai 1975, lorsque Diane Palmason a vu la première page du journal Ottawa Citizen, elle s’est empressée de l’ouvrir à la section des sports. Pourquoi? Parce qu’elle mettait en vedette Eleanor Thomas, la première femme à avoir franchi la ligne d’arrivée du Marathon d’Ottawa inaugural.
« Cette photo a changé ma vie », explique Diane.
En effet, elle a décidé de participer au marathon de l’année suivante. Et elle ne s’est pas arrêtée là. Elle a couru à Ottawa chaque année jusqu’en 1985. Au cours des 40 dernières années, Diane a fait 78 marathons et a établi de nombreux records dans la catégorie des vétérans et dans son groupe d’âge. Elle fait également partie du Canadian Road Running Hall of Fame.
Diane ne pensait jamais se développer une telle passion pour la course. Lorsqu’elle pratiquait l’athlétisme au secondaire, dans les années 1950, on lui a enseigné que les femmes ne devraient pas courir sur de longues distances. Jusqu’en 1960, la plus grande distance que les femmes pouvaient courir aux Olympiques était le 200 mètres.
« J’aimais courir », avoue-t-elle. « Et j’ai toujours pensé que je pouvais courir plus longtemps que les garçons, mais je n’avais pas le droit de le faire. »
Bien qu’elle était suffisamment talentueuse en athlétisme pour représenter le Canada aux Jeux du Commonwealth de 1954, Diane se doutait qu’elle se démarquerait encore davantage sur de plus grandes distances. Étant donné que les femmes n’avaient malheureusement pas cette possibilité, Diane a abandonné la course lorsqu’elle a commencé l’université. Elle a par la suite eu quatre enfants, sur une période de sept ans.
« Dans les années 1950, les femmes devaient rester à la maison et s’occuper de la famille », précise-t-elle. « Il n’y avait pas encore de mouvement de rébellion ni de revendication de notre liberté de faire ce qui nous plaisait. Ce mouvement n’a commencé que dans les années 1960. Et à ce moment-là, j’avais déjà quatre enfants et mes intérêts étaient différents. »
Diane courait de temps à autre, mais à l’époque, ce n’était pas bien vu de courir à l’extérieur. Elle courait souvent autour de sa maison.
« Ou j’attendais qu’il fasse noir et j’en profitais pour aller courir dans les rues, avec notre chien. Si une voiture approchait, je me mettais à marcher. Dès qu’elle était passée, je me remettais à courir. »
Tout a changé lorsqu’elle a vu la photo à la une du journal.
« J’ai grandi avec l’impression que les filles ne faisaient pas ce genre de compétition. Que les femmes ne couraient pas plus de 200 mètres. Et voilà que cette femme venait tout juste de courir 42 kilomètres! »
Diane se souvient de s’être tout bonnement dit : « Je veux faire ça moi aussi ». Ce qui était très irrationnel, sur plusieurs aspects. Particulièrement parce qu’elle se rétablissait d’une chirurgie au dos et que son médecin n’était pas enchanté à l’idée qu’elle court sur de longues distances.
« Il m’a dit de laisser tomber, que je ne serais pas en mesure de courir », se rappelle-t-elle. « J’ai décidé de n’en faire qu’à ma tête. »
Alors qu’elle se préparait à courir son premier marathon en 1976, elle a téléphoné à Eleanor Thomas.
« Je lui ai dit qu’elle ne me connaissait pas, mais que j’avais vu sa photo sur le journal », explique Diane. « J’ai continué en lui disant que je n’avais jamais couru un marathon. Que je n’avais jamais fait une course sur route. Que je ne savais pas quoi porter. Que je ne savais pas quoi faire si j’avais envie d’aller à la toilette pendant l’épreuve. Elle a été très patiente et m’a grandement aidée. »
Au cours des années qui ont suivi, Diane a gagné plusieurs trophées et prix pour ses performances à Ottawa, notamment des voyages pour participer à d’autres marathons. À cette époque, on ne remettait pas de prix en argent aux gagnants, encore moins aux athlètes vétérans.
« J’ai reçu une horloge en bois pour avoir terminé au premier rang chez les femmes dans la catégorie des vétérans en 1979 », dit-elle. « Mais l’horloge ne fonctionne plus. J’ai aussi reçu un ensemble de fournitures de bureau en 1981. Dans le coin, on voit la figurine d’une femme qui semble courir un 100 mètres et non un marathon. »
Tout a changé en 1985. Diane ne prévoyait pas courir à Ottawa cette année-là, même quelques semaines avant l’événement, jusqu’au moment où elle a croisé une des organisatrices.
« Elle m’a dit qu’elle avait remarqué que je n’étais pas inscrite », indique Diane. « Je lui ai répondu qu’en effet, je ne pensais pas participer cette année-là. Elle m’a dit qu’il y avait un prix de 3 000 $ pour la Canadienne qui finirait au premier rang. »
Diane s’entraînait alors en vue d’une épreuve de 1 500 mètres. Elle a donc demandé des conseils à ses amis : l’un d’entre eux lui a dit d’oublier le marathon et un autre de ses amis lui a dit de prendre beaucoup de repos. Encore une fois, Diane n’en a fait qu’à sa tête. Elle a participé au marathon et a gagné le prix en argent.
Au cours de sa carrière de coureuse, elle a établi de nombreux records du monde, dont certains qui n’ont pas encore été battus à ce jour. Maintenant, elle s’est tournée vers le rôle d’entraîneuse : la course est devenue une vocation et une profession pour Diane. Et tout a commencé par une photo du premier Marathon d’Ottawa.
« J’étais littéralement au bon endroit au bon moment », affirme-t-elle.
Extrait tiré de l’ouvrage Canada’s Magnificent Marathon: 40 Years Running in Ottawa